SÉRIE D’ÉTÉ : Roman de Camille Wintz "rubrique des plumes et vous"

Chapitre 8

            Le lendemain, une dizaine de minutes avant la fin de l’humanité, les habitants de Mars sont convoqués sur la place publique, devant le Palais de Justice. Un couple tout sourire, l’air détendu, arrive sur l’estrade, les poings liés derrière leurs dos et entourés de gardes. C’est une exécution publique. On explique leur crime, soi-disant une tentative de rébellion avortée. Pourtant, le sourire heureux et paisible du couple n’en donne pas l’impression. On leur délie les poings, et leur propose de prononcer un dernier discours. La femme aux cheveux violets ébouriffés prend la parole.

« Il y a un an. Nous savons tous ce qui s’est passé. Le mur qui devait tomber n’est jamais tombé. L’URSS soi-disant morte n’était pas si morte. Et puis des bombardements sur la Russie, on nous a promis qu’ils ne répondraient pas, ils ont répondu, sur tout le bloc Ouest. On nous avait dit qu’ils avaient que des armes douteuses, et ils nous ont détruits à coup de nucléaire. »

Un frisson parcourt l’assemblée, et un garde indique que son temps de parole de femme est écoulé, l’homme à côté d’elle lui répond qu’il lui donne son temps et indique très vulgairement au garde qu’elle en a sûrement des plus grosses que tous les hommes réunis. L’assemblée ne rit pas, mais on lit quelques sourires. La femme continue.

« Nous savons ce qui s’est passé ensuite. Les privilégiés de la société, les plus riches, nous, sommes partis à bord des immenses navettes américaines. Ils avaient pris de l’avance sur la conquête spatiale, une avance qu’aucun n’aurait pu imaginer. Ils nous ont promis de l’eau et une atmosphère artificielle illimitée. Que nous ne manquerions jamais de rien. Ils ont encore menti ! »

Un garde essaye de la faire taire en lui mettant une baffe. Quelques personnes le huent dans l’assemblée, bientôt suivis par d’autres.

« Nous n’avons plus d’oxygène ! D’ici deux minutes trente, toute l’humanité agonisera ! »

La femme se serre contre l’homme.

Tess se serre contre Gustin, et lui murmure ses derniers mots : « On va mourir deux minutes avant la fin du monde, quelle classe. ». Puis les deux balles partent. Et les deux corps emmêlés tombent, avant qu’il n’ait le temps de lui dire combien il l’aime.

Dans cette dimension étrange de notre monde, l’homme a couru à sa propre perte, en jouant au jeu dangereux de qui est le plus fort, transformant le monde en celui du mensonge et du non-dit.  A vouloir tirer sur le fil, on finit par casser la ficelle...

Après que les deux balles furent parties, les gardes tentèrent de garder le calme. Ils échouèrent, et certains d’entre eux eurent aussi le grand honneur de mourir une minute avant la fin du monde. Mais ce qui devait arriver arriva, et l’humanité entière s’étouffa, passons les détails. S’en fut la fin de ce monde... A moins que... n’y a-t-il pas cent personnes qui sont reparties sur Terre à bord d’un vaisseau ? Enfin, ça, c’est une autre histoire...

Fin.